En colonne tel des fourmis ou en groupe comme un essaim d’abeilles, ils sillonnent les grandes artères de Kinshasa à pieds. Le week-end est pour eux un moment de sport, et de détente. À pieds, ils marchent ou font du jogging pour se fatiguer, transpirer et éliminer les calories. Dès qu'ils ont atteint le point de chute, ils courent tout de suite après vers les terrasses pour récupérer l'énergie. Bières fraîches, boissons sucrées, grillades sont au menu. Ces marcheurs-buveurs des bières, qui sont-ils ?
À 6h00, Becky enfile son jogging, lace ses baskets et se met en route. L’heure du sport à sonner pour elle. Elle va essayer de marcher de Kintambo à Binza Okapi. Pour elle qui se déplace en véhicule, l’exercice n’est pas facile. Mais le jeu en vaut la chandelle car Becky veut perdre du poids. Elle entame ses premiers pas avec vivacité mais au bout de dix minutes de marche, la cadence baisse. Et lorsqu’elle entame la petite colline de Binza Météo, 4 Km après son point de départ, Becky est essoufflée. Elle s’arrête, inspire et expire rapidement et ouvre la bouche pour avaler des grosses bouffées d’air.
L’exercice est assez ardu pour elle mais elle n’abandonne pas. Pendant qu’elle reprend de l’énergie, elle est dépassée par Sephora. Une jeune fille à la taille athlétique qui n’éprouve aucune peine à grimper la petite colline de Binza. Pour Séphora, la marche n’est pas seulement une activité sportive, mais aussi une discipline qui l’aide à travailler son souffle. Elle évolue dans une chorale gospel et rêve de devenir une grande musicienne.
Comme Becky et Sephora, des nombreux jeunes font la marche le week-end. Une activité à mi-chemin entre sport et détente. Et beaucoup le font surtout pour s’amuser. Ils portent de T-shirts reprenant le nom de leur association, groupe, écurie ou mutuelle : « Bana Binza », « Les amis de X ou Y », « Bomoko Association » etc. Eux, marchent avec des bouteilles de jus en mains, des bouteilles d’eau et même de parfois des biscuits. Dans leur gibecière, ils ont aussi des cannes à selfies pour immortaliser leurs moments de détente.
Ceux qui veulent la perfection font appel aux photographes professionnels. Ils s’alignent en file indienne sur le trottoir et font semblant de marcher pendant que le photographe, situé de l’autre côté de la chaussée garde l’œil dans le viseur de son appareil photo et le doigt sur le déclencheur. Chaque pas a droit à sa photo et pour la beauté de l’image, certains marcheurs n’hésitent pas à arborer un joli sourire et à faire des signes de la main à l’intention du photographe. Certains, n’hésitent pas de quitter carrément la colonne pour des séances photos devant certains beaux décors de la ville de Kinshasa.
Pour tous les marcheurs, il y a un « point de chute », l’endroit où s’arrête leur activité sportive et à partir duquel ils prennent le chemin de retour, souvent en taxi. Mais pour les « Bana Binza » et compagnie, les points de chutes sont des points de départ pour une autre activité, la fête. Et parfois les beuveries. Les marches prennent souvent fin autour de 11h et chaque groupe a déjà une terrasse d’appoint. Là, les marcheurs vont se rafraîchir et s’empiffrer. Fruit d’une préparation en amont ou d’une organisation spontanée, les points de chutes sont des vrais moments de réjouissance. Bière et nourriture se consomment en abondance avec une musique à casser les tympans. Brûler des calories pour en emmagasiner tout de suite d’autres, c’est ça la marche de santé made in Kinshasa.