La boulangerie Sakaya se situe juste à l'entrée du quartier Sanga Mamba. Inaugurée fin 2019, elle joue un rôle économique capital dans cette communauté qui vit dans un quartier difficilement accessible. Depuis son installation, elle permet à une cinquantaine des femmes de nourrir leurs familles. REPORTAGE
Les bruits et querelles des vendeuses rythment la vie à la boulangerie Sakaya déjà à partir de 6 heures du matin. Toutes veulent être livrées en premier pour aller servir leurs clients. La boulangerie qui fonctionne avec les fours artisanaux alimentés par le bois peine à accélérer la livraison. Maman Mapasa à peine servie raconte ses débuts à la boulangerie. “J'ai fait plus de 12 ans dans ce commerce, avant je prenais les pains de boulangeries reconnues, mais mes clients, mais réclamaient toujours lipa ya koni (pain fabriqué avec les fours du bois) raison pour laquelle j'avais opté pour cette boulangerie, l’unique de notre immense quartier et qui nous aide beaucoup”, raconte-t-elle. À côté d'elle se trouve Noëlla, 17 ans, la plus jeune parmi toutes celles qui se trouvent là ce matin. Elle aide sa maman en faisant le retrait des pains et part régulièrement vendre pour elle aussi. “Ma maman n’a pas d’autre travail, si ce n’est vendre les pains, et c’est plus facile maintenant depuis que cette boulangerie existe ici. Avant, il fallait partir très loin pour trouver d’autres boulangeries", lâche-t-elle juste à côté de son bassin encore vide. Dans ce quartier périphérique de la ville, les difficultés sont nombreuses, il n’existe aucune route pour atteindre le quartier même pour les motos.
L'électricité fournie par intermittence n’arrive même à faire fonctionner un fer à repasser. La situation de la desserte en eau n'est pas plus reluisante. La tuyauterie de la Regideso est quasi inexistante. Comme alternative, les habitants se servent de l’eau de forage pour leurs tâches ménagères. Devant la porte principale de boulangerie, Paul le gérant, trentenaire, scrute tous les faits et gestes de ses clientes. Le barbu habillé juste en short et singlet parle des difficultés de la boulangerie à cet endroit. “Si nous résistons ici depuis bientôt 2 ans, c’est juste par amour parce que vous pouvez voir qu’il manque de tout ici, nous souffrons pour amener nos sacs de farine, pour transporter le bois pour les fours... Et tout cela limite notre production journalière, raison pour laquelle vous voyez qu'il y a encore trop de monde à la réception, à ce rythme, nous n’aurons pas beaucoup d'années devant nous”, se plaint-il.
A cause de nombreuses difficultés, la boulangerie a diminué sa production journalière qui est passée de 13 sacs à 8 sacs de farine. Elle peine maintenant à servir ses clientes à l’heure. Le gérant qui supervise le travail de 6 boulangers et un bûcheron explique sa démarche pour ramener les arbres au four.
“Trouver les arbres est devenu un casse-tête pour nous, surtout en cette période de saison sèche ou les mangues poussent déjà sur les manguiers. Quand nous proposons au propriétaire d’un arbre de nous le vendre, il fait le calcul de ce qu'il va gagner en vendant les mangues, et là, c’est difficile de le convaincre", se désole Mabanza.
Comme beaucoup de femmes de Sanga Mamba, Keline, une trentenaire, nourrit sa famille en vendant les pains juste devant la boulangerie.
"Avant, je travaillais comme femme de ménage à Ma campagne(NDLR, quartier huppé de Ngaliema) depuis que la boulangerie s'est installée ici, je me suis inscrite directement. comme ils donnent un bon pourcentage à la fin du mois, une remise de 25 % sur la commande du jour, cela me permet d'aider mon mari à payer notre loyer et la tâche est moins lourde. J'ai des enfants qui étudient maintenant et malgré la gratuité de l'enseignement fondamental, il y a toujours des petits frais à payer", témoigne-t-elle.