Le mardi 2 août 2022, plusieurs Congolais de Kinshasa et de la diaspora se sont réunis à la Place des Évolués pour manifester contre les massacres des Congolais sur toute l'étendue de la République démocratique du Congo.
Aux abords du lieu, plusieurs croix symboliques ont été plantées pour représenter les sépulcres des Congolais morts en Ituri, au Nord-Kivu, à Yumbi, etc. Prenant la parole, Sly, un Congolais résidant en Grande-Bretagne et cofondateur du mouvement « Génocost », a expliqué l'acronyme du mouvement fondé en 2013 à Londres. “Le mouvement Génocost a été fondé en 2013 à Londres en Grande-Bretagne par plusieurs jeunes congolais de la diaspora pour dire stop aux massacres des Congolais, perpétrés par les multinationales et le Rwanda”, et d'ajouter que Génocost signifie « Génocide économique ».
À l'arrivée du ministre en charge des Droits Humains, Fabrice Puela, plusieurs participants ont refusé sa prise de parole, mais il a fini par parler malgré les désistements. "Toboyi, ye te, toboyi, baza complice (on refuse, pas lui, ils sont complices.)", scandaient plusieurs participants. “Nous savons ce qui se passe à l'Est. Et je suis ici pour apporter vos doléances au gouvernement”, a fait savoir le ministre.
Jason, un élève qui se dit victime et témoin des tueries du Nord-Kivu a pris la parole pour demander la paix dans sa province natale. “Amani (paix), nous voulons la sécurité car le Nord-Kivu est une partie du Congo. Je suis très content de vous voir réunis ici ce soir, à Gombe. Mais que cela ne se limite pas ici et doit continuer partout au Congo”, a-t-il lancé.
Place des évolués, l'espace qui accueille le rassemblement, est un endroit touristique et historique. Son nom date du Congo-Belge, à l'époque où seuls les Congolais qui avaient obtenu le statut d’évolués et un numéro matricule en remplissant des critères notamment d'hygiène, d'habillement, d'éducation et autres, prescrits par les Belges, pouvaient accéder à la commune de Kalina (aujourd'hui Gombe), et occuper certaines fonctions autrefois réservées aux colons belges et autres blancs. Au centre de la place se trouve un monument composé de trois colonnes posées sur une base élevée, accessible par trois rangées de marches. Base qui sert de podium lors de rassemblements à cet endroit.
Du haut du podium, les organisateurs de cette commémoration ont demandé la suppression du nom de cette place qui représente pour eux "une honte", au profit de “place Génocost”. Sur la même longueur d'ondes, Maud Salomé Ekila, la chargée de communication du Docteur Dénis Mukwege et co-organisatrice de l'événement, a dit que le Génocost s'est bien déroulé : "La journée est une réussite dans le sens où les gens se sont rassemblés", avant de marteler que le fait "que cette place soit appelée place des Évolués est une honte, nous allons changer ça de gré ou de force".
À la fin de l’évènement, lorsque la lumière du jour a cédé la place à l’ombre du soir, lorsque les bougies et les torches de téléphones ont été allumées pour les morts et pour éclairer les lieux, le rappeur Youssoupha a fait son apparition, habillé en chemise blanche et pantalon noir sous ses dreadlocks bouclés. Le fils du regretté Tabu Ley a remonté le moral des participants qui étaient majoritairement jeunes.
“La mémoire, c'est l'identité, aujourd'hui, c'est une journée de souvenir pour se souvenir de ce qu'on est, parce que le génocide et les gens qu'on a perdu font partie de notre identité. Je vous parle d'identité, nga kombo na nga Youssoupha Mabiki Tabu, na botama na Kin… (traduction : moi, je m’appelle Youssoupha Mabiki Tabu, je suis né à Kin) Si je peux vous raconter tout ça, c'est parce que c'est mon identité et c'est ma mémoire. Sans mémoire, nous ne sommes pas congolais et notre histoire, on doit l'écrire seul", a souligné le rappeur devant un public très concentré pour l'entendre.
La commémoration s'est clôturée par l'hymne national et le lancement des lanternes.