Depuis samedi 6 novembre et la sortie de sa chanson Nini Tosali Te, le duo MPR formé des rappeurs urbains Yuma Dash et Zozo Machine a réussi à monopoliser les échanges sur les réseaux sociaux congolais. Le phénomène s'est amplifié trois jours plus tard lorsque les autorités judiciaires congolaises ont censuré cette chanson officiellement parce qu'elle n'a pas reçu la validation de la Commission nationale de censure des chansons et des spectacles comme le prévoit la loi. MPR n'est pas le premier groupe à voir sa chanson subir cette mesure. Retour sur quelques chansons célèbres censurées en RDC.
Etutana Yango n'a Yango
Entre Koffi Olomidé, le maestro de la rumba congolaise, et la censure, c'est le "je t'aime, moi non plus" permanent. Premier épisode de leur rapport tumultueux en 1992. L'artiste sort Haut de gamme, son neuvième album studio mieux connu sous le nom de Papa Bonheur, titre phare de cette œuvre.
Dans Papa Bonheur justement Koffi insère un "cri", ces paroles, petites phrases lancées dans la partie dansante de la chanson. Ce cri va fortement déplaire à la Commission de censure qui lui trouve une allusion sexuelle à peine voilée. "Etutana Yango n'a Yango. Ah! Ça c'est bon ça. (Qu'ils entrent en collision ; Qu'ils se frottent) est à prendre au sens littéral", se défend alors l'artiste qui peine à convaincre.
Le même cri est également repris par Zaiko, le célèbre groupe musical congolais. Jossart Nyoka Longo, le patron de ce groupe, n'arrive pas non plus à convaincre les censeurs. Cet épisode vaudra aux deux chanteurs une détention de quelques jours à la prison de Makala. Les versions des chansons contenant ce cri définitivement interdites de jouer au pays. A la sortie de prison, ils vont tous rentrer au studio modifier leurs tubes. Etutana Yango n'a Yango devient dans les chansons de Jossart "Bayokana bango n'a bango" (Qu'ils se mettent d'accord entre eux), "Balingana bango n'a bango" (Qu'ils s'aiment entre eux) tout en conservant le rythme. La censure est cette fois contente. Mais dans les fêtes et partout ailleurs, quand arrive cette partie de la chanson le public lance le cri original, celui-là même qui est censuré.
Écoutez à partir de 4 min 48 sec.
Alidor
Koffi Olomide, encore lui. Décidément. En 2017, l'artiste lance Nyataquance, son vingt-neuvième album studio. L'oeuvre passe presque inaperçu au sein du public. C'est le troisième d'ailleurs qui récolte un succès mitigé après Bana Zebola (2014) et 13e Apôtre (2015). Des années de flottement plutôt rares dans l'immense carrière de cet artiste. Mais Nyataquance contient une perle, un joyau, un délice de chanson : Alidor. Koffi chante un homme dans l'incapacité de vivre physiquement aux côtés de son amour et qui la supplie de rentrer vite au risque de revenir le retrouver mort. Ainsi décrit, on ne saisit pas vraiment la portée poétique et la profondeur rythmique de ce tube. Il faudrait le (ré) écouter pour s'en rendre compte. ?
La seule chose que la censure reproche à la chanson ou plutôt à son auteur, c'est de n'avoir pas obtenu l'autorisation préalable de la diffuser. Un dossier judiciaire est même ouvert contre l'artiste qui sera d'ailleurs contraint par la police judiciaire à se présenter au parquet dans une interpellation musclée et très médiatisée. Alidor avait finalement été autorisé à jouer en RDC après que l'artiste eût payer les frais d'examen de cette chanson à la censure. Aucune virgule du texte, aucune note musicale n'en fut modifiée.
Marceline, Hélène, Jacquie
L'un de touts premiers à avoir connu la geôle à cause de la censure fut le grand maître Franco Luambo Makiadi et tout son groupe. Nous sommes en 1979. Ok Jazz met sur le marché du disque un album qui contient trois titres (Marceline, Hélène, Jacquie) qu'on appellerait plus tard "Fleurs du mal". Marceline raconte une histoire d'infidélité. Hélène, celle d'une femme au fessier extraordinairement rebondi. Les mots sont crus, les détails dans Hélène font dans l'obscénité. Ces chansons ne furent jamais réhabilitées.
Kashama Nkoy
Kashama Nkoy aura pris du temps pour être à nouveau autorisé après sa censure. La chanson est l'œuvre de Rochereau Tabu Ley. Le chanteur pleure son ami décédé à qui il transmet un message à Lumumba, le héros national assassiné aux premiers mois de l'indépendance. Le motif de la censure de cette chanson n'est pas clairement connu. Mais il se raconte qu'à l'époque, Tabu Ley est soupçonné d'avoir utilisé un nom d'emprunt, Kashama Nkoy, pour pleureur en réalité Pierre Mulele un proche entré en rébellion contre le pourvoir de Kinshasa. Mulele s'exila à Brazzaville avant d'être rapatrié à Kinshasa où il fut exécuté.