Depuis la semaine dernière, des mouvements de protestation contre la Mission de l’Organisation des Nations-Unies pour la Stabilisation de la RDC secouent plusieurs villes de l'Est de la RDC. Beni d'abord, puis Goma, Butembo et en fin de semaine Kinshasa ont connu diverses manifestations qui ont fait de nombreux blessés et au moins 8 morts. Les Congolais, meurtris par les interminables guerres à l’Est du pays, dénoncent notamment ce qu'ils considèrent comme étant l’inaction des casques bleus de la Monusco, face aux massacres à répétition dans cette partie du pays.
Cette vague de manifestations a fait émerger des interrogations au sein de l’opinion congolaise sur l’apport concret de l’une des plus importantes missions de maintien de paix des Nations Unies au monde.
La Mission de l’Organisation des Nations-Unies pour la Stabilisation de la RDC, Monusco, est active depuis le 1er juillet 2010. Elle a remplacé la Mission de l’Organisation des Nations Unies au Congo, Monuc, présente au pays depuis 1999. La résolution 1925 du 28 mai 2010 qui a institué la Monusco, lui accordait un mandat axé sur la protection des civils et la consolidation de la paix. Depuis 2010, plusieurs autres résolutions ont été votées par le conseil de sécurité de l’ONU, mais ces deux axes sont toujours restés prioritaires.
Dans son mandat, la Monusco peut, par l’entremise de sa brigade d’intervention, mener « des offensives ciblées et énergiques » pour neutraliser des groupes armés. Dans la pratique, les opérations unilatérales ne sont pas l’option choisie par la Monusco. Elle intervient sur le théâtre des opérations à travers des opération conjointes avec les FARDC. Comme en novembre 2018, lorsque les FARDC et la Monusco collaborent ensemble pour traquer les ADF, 7 casques bleus vont mourir au front et une dizaine est blessés, avec des pertes enregistrées dans les rangs des FARDC. Résultats : les ADF reculent de plusieurs de leurs positions. En juin 2017, les opérations conjointes du même genre avaient permis de reprendre des mains des groupes armés plusieurs villages au sud du Lac Édouard.
Dans son mandat, la Monusco est prioritairement une mission d’appui aux initiatives gouvernementales. Elle ne peut donc pas se retrouver de sa propre initiative sur terrain. François Grignon, Représentant spécial adjoint du Secrétaire Général de l’ONU en RDC, l’expliquait encore récemment au micro de Radio Okapi. « Penser que nous puissions mener des opérations unilatérales sur un théâtre où vous avez déjà les FARDC qui opèrent, c’est complètement illusoire. Vous risquez d’avoir des incidents entre forces amies », expliquait alors M. Grignon. Au cours des opérations actuelles, si la Monusco est restée à l’écart, c’est sur décision des FARDC. « Les opérations qui étaient lancées le 30 octobre sont des opérations que les FARDC ont voulu comme étant nationales, sans soutien, sans planification, sans exécution conjointe avec la Monusco », enchaînait le diplomate français, précisant que la Monusco s’était cantonnée à jouer le rôle que lui ont assigné les FARDC durant ces opérations : l’évacuation des blessés et le partage des renseignements.
Des explications qui passent mal auprès de nombreux Congolais qui en ont assez de compter les morts sur une base quasi-quotidienne dans de nombreuses villes de l'Est notamment à Beni.
Les responsables de la Monusco, eux, insistent sur le fait que la collaboration entre le gouvernement hôte et la mission onusienne est la clé de la réussite de cette dernière. C’est dans ce contexte que Leila Zerrougui a été invitée par le Président Tshisekedi, à participer au conseil national de sécurité tenu le 25 novembre dernier et qui a décidé de la mise en œuvre d'opérations conjointes entre les militaires des FARDC et les casques bleus de la Monusco contre les rebelles des ADF à Beni.
Les griefs contre la Monusco
Les ressortissants de Beni qui ont manifesté le vendredi 29 novembre devant les installations de la Monusco à Kinshasa, estiment qu’au delà d’être inactives, la Monusco contribue largement à attiser les conflits armés à l’Est de la RDC. Pour eux, la Mission onusienne collabore avec les groupes armés. Ils en veulent pour preuve des infos selon lesquelles des casques bleus Ukrainiens ont été arrêtés à Goma avec des uniformes de la garde républicaine, l’unité chargée d’assurer la sécurité de la présidence de la République. Pourtant, cette information date de 2014 dans un contexte tout autre et l’affaire avait déjà été classée. Les observateurs de France 24 ont à l’époque produit un article pour démêler cette affaire. La toile s’enflamme également en ce moment autour d’une photo qui montre un casque bleu braquant son arme sur un civil. Il s’agit là encore d’une image sortie de son contexte. Cette photo a été prise en août 2013 et illustre une démonstration de techniques de combat de la Brigade d’intervention de la Monusco.
Au-delà de ces images hors contextes qui enflamment la toile, la présence de la Monusco en RDC est fait de plusieurs épisodes de tiraillement entre elle et l’État Congolais. En septembre 2018, du haut de la tribune des nations unies, le Président Kabila, alors Président de la RDC réclamait le retrait de la mission onusienne en RDC : « Vingt ans après le déploiement de la force onusienne dans mon pays et en raison de leur résultat largement mitigé au plan opérationnel, mon gouvernement réitère son exigence du début effectif et substantiel du retrait de cette force multilatérale », disait Joseph Kabila. Bien avant son dernier discours à la tribune des Nations Unies, Kabila faisait déjà entrevoir, en 2018 la possibilité d’un retrait de la Monusco. Il disait exactement : « Il est clair que près de vingt ans après son déploiement, la force onusienne ne peut nourrir l'ambition de rester indéfiniment dans mon pays ».
Le successeur de Joseph Kabila, semble lui aborder la question dans le sens contraire que celui de son prédécesseur. Pour Félix Tshisekedi, la RDC a encore besoin de la Monusco, celle-ci ne doit cependant pas être pléthorique, et doit disposé d’un mandat adapté, « à l’image de la brigade d’intervention rapide qui avait jadis mis en déroute le Mouvement M23 », déclarait Félix Tshisekedi du haut de la tribune des Nations Unies, le 26 septembre dernier. Mais les foules qui se dressent ces derniers jours ne sont pas de cet avis-là. Pour elles, la Monusco doit plier bagages. Des foules probablement manipulées, à en croire, Jean-Pierre Lacroix, Secrétaire général adjoint de l'ONU, arrivé en urgence à Beni fin novembre dans le contexte très tendu des manifestations anti-Monusco.
Après une audience avec le gouverneur du Nord-Kivu, Jean-Pierre Lacroix a déclaré: que les manifestations anti Monusco étaient « préméditées, organisées et financées ». Peu avant que le colonel Nkumbu Ngoma, magistrat instructeur près la cour opérationnelle du Nord-Kivu ne révèle l’ouverture d’une information judiciaire à l’encontre de deux groupes de pression qui seraient instigateurs des mouvements de protestation. Ces deux groupes sont Véranda Mutsanga Beni et Je suis Beni. Les deux groupes auraient utilisés des miliciens Maï-Maï lors des manifestations ayant aboutit à l’incendie la mairie de BEni, la base de la Monusco de Boikene et le bureau de la police de Macampagne.
Les prochaines semaines révéleront certainement l’issue de ce partenariat.